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  • : Famille en voyage...
  • : Carnet de voyage de Michel, Lucie, Lise et Bastien (6 mois en Asie : Vietnam, Laos, Thaïlande, Cambodge), sans autre prétention que de donner à nos proches des nouvelles et des ressentis au fil du temps. Notre mail : miluliba(arobase)gmail.com
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 Bonne Année !

On est rentré depuis bien longtemps, un nouvel article est apparut pour le retour en France... 


 


3 juillet 2012 2 03 /07 /juillet /2012 09:21

Un article sérieux, que je vous avais promis.

 

Un peu d'histoire

 

Quand je pensais opium en Asie, je ne pouvais m'empêcher de faire le lien avec mes BD préférées : Tintin et le Lotus Bleu, et Largo Winch (le doublé Forteresse de Mailink et L'heure du Tigre).

Deux idées reçues étaient collées à ces références. La référence de Tintin : l'opium est une tradition chinoise, contrôlée par les triades, que l'on consomme dans les arrières-salles des fumeries de Shangaï. La référence de Largo-Winch : l'opium est devenu un business international, contrôlé en sous-main par les régimes corrompus du sud-est asiatique, infiltrés par la mafia, voire par la CIA.

 

Idées reçues bien rapides. C'était ignorer que le développement de l'opium a été surtout un phénomène complètement imbriqué à l'histoire coloniale anglaise et française.

En effet, ce sont bien les anglais qui ont développé la culture et le commerce de l'opium en Chine, en Thaïlande et en Birmanie. Et ce sont bien les français qui ont développé la culture de l'opium au Vietnam et au Laos. Nos guides vietnamiens nous l'ont expliqué clairement à plusieurs reprises. Bien sûr, cela fait partie de l'histoire officielle vietnamienne qui est parfois un peu partiale.

 

Pour faire simple, deux aspects doivent être retenus :

 

Aspect numéro 1 : Entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle, la France met en place toutes les infrastructures pour la culture et le commerce de l'opium à grande échelle dans le nord-Vietnam.

 

Preuve par l'image :

P1120766 P1120828

Question à notre guide, pendant notre trek à Bac Ha : "Mais c'est quoi cette route toute droite qui traverse cette plaine ? Dans le coin on est plutôt habitué à des pistes sinueuses et étroites, suivant les courbes de niveau." Réponse simple : dans les années 1920-1925, les français ont construit une piste d'aviation pour permettre le commerce de l'opium généralisé dans la région.

 

Aspect numéro 2 – La culture de l'opium devient une arme essentielle du « diviser pour mieux régner » dont les français ont besoin pour lutter contre les poussées indépendantistes vietnamiennes.

Les français vont jouer à fond la carte des H'mongs (ethnie des montagnes, cultivant l'opium de façon traditionnelle et artisanale, pour une utilisation médicale et locale) contre les Kinhs (ethnie majoritaire vietnamienne vivant dans les plaines). Ils leur donnent tout pouvoir et soutien logistique pour cultiver et commercer l'opium. A la même époque, le pouvoir colonial français ré-installe de façon complètement artificielle un roi Hmong (Hoàng A Tưởng ), et lui construit un palais luxeux pour lui et sa famille, à Bac Ha.

 

Preuve par l'image :

P1130313

 

Un autre palace sera construit à son successeur et dernier roi Hmong (Vuong Chinh Duc ) mais son fils (Vuong Chi Sinh ) s'alliera finalement avec Ho Chi Minh pour écarter les Français du nord-Vietnam.

 

Liens :

Palace Hmong à Bac Ha

Palace Hmong à Ha Giang

 

Ces corruptions du peuple H'mong, sont évidement à mettre en relation avec le rôle joué par les H'mongs dans l'armée Française pendant la guerre, présenté par Lucie dans l'article sur Dien Bien Phu ( Lien sur article ).

 

Toute ces histoires mériteraient d'être validées, mais ce n'est pas un travail d'historien que je fais ici.

Seulement un travail d'écoute de vietnamiens rencontrés au fil du voyage, et qui suggèrent tous la même idée : les français ont fait pas mal de bêtises dans cette première moitié du XXème siècle, bêtises qui ont contribué à déstructurer la société vietnamienne traditionnelle. Et bien sûr nos guides s'empressent de rajouter poliment que c'est du passé...

 

L'opium aujourd'hui.

 

Au Vietnam, la culture de l'opium est officiellement éradiquée. Mais je ne suis pas sûr de ce qui se passe dans les zones les plus septentrionales, où les touristes ne se déplacent encore pas complètement librement.

 

Au Laos, la culture continue. Officiellement, l'état Laotien autorise une production artisanale d'opium, par un nombre limité de producteurs, dans des zones bien définies, pour un marché local. Nous avons été témoin de cette culture "locale" pendant notre trek dans la montagne de Muong Kua. Nous n'avons pas vu les champs de pavots, car ce n'était pas la saison (dommage car c'est très beau paraît-il...!) mais nous avons passé la nuit dans un village reculé, perdu à 6 heures de marche de la route, où vivent des producteurs et consommateurs d'opium.  Nous avons trouvé aussi ça et là des capsules de pavot séchées avec leurs marques d'incision caractéristiques montant que la résine en a été extraite. Pendant la montée au village nous croisons un couple dans une hutte entrain de fumer del'opium. Le fumeur que nous rencontrons fume de façon très traditionnelle. Sa femme prépare la pipe pendant qu'il fume allongé. Puis ils intervertiront plus tard leur place. Ils ont produit eux même la résine de pavot qu'ils sont en train de fumer. Nous comprenons que même dans le petit village perché dans la montagne, où nous passons la nuit, les producteurs/consommateurs d'opium vivent à l'écart, dans les cases les plus simples.

 

Lien sur l'article : Trek de Moung Khua : Rencontres entre inconnus

 

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La hutte des fumeurs

 

Où est produit l'opium d'Asie qui continue d'alimenter l'Occident ? Je ne sais pas répondre à cette question. Peut-être, dans ces zones reculées, terres de frontières et de forêts, aux confins du Vietnam, du Laos et de la Chine, sûrement beaucoup aussi au nord de la Thaïlande et de la Birmanie. Je serai tenté de dire partout où l'argent de l'opium continue d'alimenter les pouvoirs parallèles de la corruption, et où le commerce de l'opium permet aux états de contrôler les ethnies en rébellion.

 

L'éradication de la culture de l'opium pose un vrai problème de réintégration du peuple H'mong qui en avait fait une de leurs activités principales. Diversification de production agricole et implication dans le tourisme font partie des politiques affichées, mais les résultats semblent encore très timides :

Lien : Etude universitaire sur l'évolution de la culture de l'opium au Laos

 

 

Thaïlande et Laos se battent pour la deuxième place des producteurs mondiaux. C'est sans doute négligeable par rapport aux 87% de la production mondiale produite en Afghanistan... !

 

En parlant des fumeurs que nous rencontrons, notre guide nous confirme : « Ils sont très dépendants ; ils fument tous les jours ». Il ajoute : «  mais cet homme est libre, il vit dans un autre monde, il survit avec sa famille avec les ressources de la forêt ». Le mot « libre »  m'a étonné. Je ne sais pas si c'est celui que j'aurais utilisé pour cet homme. Personnellement, j'ai essayé de ne pas juger, juste d'être témoin d'une vie à des années-lumière de la mienne. Mais c'est vrai que je l'ai senti « en harmonie avec son environnement ».

 

En sortant de cette hutte, un esprit m'a interpellé : « Salut étranger, et toi, quelle est ton addiction ? »  

Ben, je vais y réfléchir...

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