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  • : Famille en voyage...
  • : Carnet de voyage de Michel, Lucie, Lise et Bastien (6 mois en Asie : Vietnam, Laos, Thaïlande, Cambodge), sans autre prétention que de donner à nos proches des nouvelles et des ressentis au fil du temps. Notre mail : miluliba(arobase)gmail.com
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Les news du blog ...

 Bonne Année !

On est rentré depuis bien longtemps, un nouvel article est apparut pour le retour en France... 


 


5 juillet 2012 4 05 /07 /juillet /2012 07:51

Petites réflexions de géologue sur l'incroyable construction des temples d'Angkor.

 

De l'origine des sculptures khmères

 

Le simple visiteur comme le scientifique se posent cette question : qu'est-ce qui a poussé les hommes à construire cet ensemble de temples à cet endroit, sur une période de 400 ans, avec une telle cohérence dans l'organisation, une telle homogénéité dans les techniques de construction, une telle finesse et récurrence dans les motifs de sculpture.

 

On peut se poser la question d'un point de vue d'historien, de théologien, d'urbaniste ou d’ethnologue. On peut se la poser aussi d'un point de vue de géologue et de géographe : « En quoi le terrain du site d'Angkor a-t-il contribué a façonner cet ensemble architectural ? »

 

Les géographes confirment : ce site était idéal pour construire des villes dont la fonction était double, organiser la vie d'une population mais surtout faire des monuments pour les dieux. Tous les éléments sont là : une plaine fertile où cultiver le riz, un grand lac poissonneux au sud pour pêcher, des montagnes au nord pour fournir la pierre et pour les dieux, un réseau de rivières permettant l'irrigation des champs et l'alimentation des villes. Le site répond aussi idéalement aux critères religieux de construction : la géomancie.

 

Un peu de géologie. Le terrain du site d'Angkor est constitué de sable, de grès et d'une grosse pierre de lave rouge, la rhyolite, matériaux idéaux pour la construction. Le sable est un matériau sain, naturellement drainant qui évite de devoir faire des fondations profondes. Les temples comme les murs d'enceinte sont quasiment posés par terre et ont très peu bougé ! La grande partie des pierres de taille sont constitué de grès, pierre à la fois solide, homogène et tendre, idéale pour la sculpture. Facile à débiter en carrière, à transporter (à dos d'éléphant...), à refaçonner pour créer ce Lego de blocs encastrés et sculptés après montage. La lave rouge, facile à débiter, mais peu apte à la sculpture, est réservée aux murs d'enceinte et aux soubassements de certains temples. Elle se fait surtout complice du soleil couchant pour donner de belles couleurs rouge-orangé aux temples que vous voyez en photo...

 

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Visages souriants géants en grès gris (Bayon)                Murs d'enceinte en lave rhyolitique (Bantaey Samré)

 

Des questions surgissent  : pourquoi ce matériau si facile à travailler n'a-t-il pas amené des formes architecturales et des motifs de sculpture plus variés ? Autrement dit : qu'est-ce qui détermine la forme de ce qui a été construit ? Juste une pression culturelle et religieuse qui incite les multiples générations de sculpteurs à reproduire fidèlement toujours les mêmes motifs, avec les mêmes techniques, selon les mêmes règles de l'art ? Comment expliquer les convergences étonnantes avec les bas reliefs des cathédrales bâties à la même époque ?

 

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Bas relief d'apsara sur grès fin (Angkor Vat)     Murs et cadre de porte en grès gris (Bayon)

 

On peut expliquer la forme de ce que l'on voit en partant de la volonté humaine (inspirée par les dieux ?) : les hommes ont voulu faire telle ou telle forme sculpturale et coup de bol, ils avaient à disposition le matériau adéquat.

 

On peut aussi prendre le problème dans l'autre sens et dire : avec ce que les hommes avaient entre leur mains, un terrain, une pierre de grès, des outils, des éléphants, qu'étaient-ils capables de construire ? Des sculptures d'une certaine forme. Et ceci peut expliquer les convergence de sculptures entre cathédrales et temples khmers, il y a près de mille ans.

 

Cette réflexion m'est venue en visitant Banteay Sreï : petit temple de grès rose, particulier dans le sens où c'est le seul à avoir été commandité non par un roi, mais par un religieux. On compare ses sculptures à de la dentelle pour leur finesse. On l'appelle aussi le temple des femmes en supposant que seules des mains de femme ont pu sculpter des motifs d'une telle finesse. On s'aperçoit que le grès utilisé pour ce temple est particulier : plus fin, plus rose, plus dense. Les sculpteurs sont-ils aller chercher le grès dont ils avaient besoin dans une carrière éloignée ? Ou bien est-ce la présence non loin de là de ce grès très particulier qui a permis l'éclosion de ces formes si délicates et si différentes de la norme architecturale d'Angkor ?

 

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Fronton en grès rose (Bantaey Streï)                                  Détail...

 

Comme pour l’inné et l'acquis en psychologie, on doit sans doute répondre « C'est un peu les deux... »

 

Cherchant des études sur ce thème, j'ai trouvé un début de réponse dans un ouvrage datant de 1954 (l'année de la chute de Dien Bien Phu!), où le géologue Edmond Saurin écrit :

 

« Cette identité de matière confère aux édifices d'Angkor, dans la diversité résultant de leur décor et de leurs destinations particulières, une unité fondamentale qui n'est pas étrangère à l'impression qu'ils produisent.

On a d'ailleurs souligné l'influence des matériaux et de la géologie locale sur l'architecture et les styles, sur l'évolution et la localisation des écoles artistiques, sur l'aspect général des constructions régionales.

A cet égard, l'art khmer a été à sa grande époque un art du grès. Et l'on pourrait aussi bien inverser la proposition précédente, et se demander si les Khmers, bâtisseurs peut-être plus ou moins habiles, ne sont pas précisément devenus des décorateurs, parfois prolixes, que parce qu'ils disposaient de ces grès tendres, dociles au ciseau.

C'est probablement aussi à ces grès, d'exploitation, de taille et d'assemblage faciles d'une résistance convenable que, délaissant les briques et la latérite, ils ont dû de concevoir de vastes ensembles architecturaux, et de devenir aussi de véritables constructeurs. »

 

Sculpteurs d'aujourd'hui

 

Aujourd'hui, les khmers se réapproprient les techniques de sculpture d'Angkor. A Siem Reap, L'école 'Artisans d'Angkor', à vocation à la fois culturelle et sociale, forme des jeunes aux métiers d'art traditionnels. Ici on reproduit avec fidélité les motifs des temples. Les élèves une fois sortis, travailleront à la restauration des temples (pour les meilleurs), à la confection de sculptures de toutes tailles à destination des touristes et surtout à la décoration des hôtels de luxe de la ville qui se font un point d'honneur de rivaliser avec Angkor Vat !

 

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Reproduction miniature d'une figure du Bayon sur grès

 

 

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Reproduction à l'échelle d'un fronton d'Ankor Vat

 

Fort heureusement, les carrières de grès ne sont pas épuisées et c'est la même finesse des formes qui se perpétue dans les productions des sculpteurs d'aujourd'hui.

 

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Reproduction d'apsaras et de la célèbre scène mythique du "Barattage de la Mer de Lait" (Angkor Vat)

 

Liens :

 

Quelques remarques sur les grès d'Angkor (Edmond Saurin - Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient 1954) :

 

ANGKOR (Centre SYFED.REFER de Phnom Penh - © Jérôme ROUER 1996-1997)... une mine d'infos ! 

 

Artisans d'Angkor à Siem Reap

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3 juillet 2012 2 03 /07 /juillet /2012 09:21

Un article sérieux, que je vous avais promis.

 

Un peu d'histoire

 

Quand je pensais opium en Asie, je ne pouvais m'empêcher de faire le lien avec mes BD préférées : Tintin et le Lotus Bleu, et Largo Winch (le doublé Forteresse de Mailink et L'heure du Tigre).

Deux idées reçues étaient collées à ces références. La référence de Tintin : l'opium est une tradition chinoise, contrôlée par les triades, que l'on consomme dans les arrières-salles des fumeries de Shangaï. La référence de Largo-Winch : l'opium est devenu un business international, contrôlé en sous-main par les régimes corrompus du sud-est asiatique, infiltrés par la mafia, voire par la CIA.

 

Idées reçues bien rapides. C'était ignorer que le développement de l'opium a été surtout un phénomène complètement imbriqué à l'histoire coloniale anglaise et française.

En effet, ce sont bien les anglais qui ont développé la culture et le commerce de l'opium en Chine, en Thaïlande et en Birmanie. Et ce sont bien les français qui ont développé la culture de l'opium au Vietnam et au Laos. Nos guides vietnamiens nous l'ont expliqué clairement à plusieurs reprises. Bien sûr, cela fait partie de l'histoire officielle vietnamienne qui est parfois un peu partiale.

 

Pour faire simple, deux aspects doivent être retenus :

 

Aspect numéro 1 : Entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle, la France met en place toutes les infrastructures pour la culture et le commerce de l'opium à grande échelle dans le nord-Vietnam.

 

Preuve par l'image :

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Question à notre guide, pendant notre trek à Bac Ha : "Mais c'est quoi cette route toute droite qui traverse cette plaine ? Dans le coin on est plutôt habitué à des pistes sinueuses et étroites, suivant les courbes de niveau." Réponse simple : dans les années 1920-1925, les français ont construit une piste d'aviation pour permettre le commerce de l'opium généralisé dans la région.

 

Aspect numéro 2 – La culture de l'opium devient une arme essentielle du « diviser pour mieux régner » dont les français ont besoin pour lutter contre les poussées indépendantistes vietnamiennes.

Les français vont jouer à fond la carte des H'mongs (ethnie des montagnes, cultivant l'opium de façon traditionnelle et artisanale, pour une utilisation médicale et locale) contre les Kinhs (ethnie majoritaire vietnamienne vivant dans les plaines). Ils leur donnent tout pouvoir et soutien logistique pour cultiver et commercer l'opium. A la même époque, le pouvoir colonial français ré-installe de façon complètement artificielle un roi Hmong (Hoàng A Tưởng ), et lui construit un palais luxeux pour lui et sa famille, à Bac Ha.

 

Preuve par l'image :

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Un autre palace sera construit à son successeur et dernier roi Hmong (Vuong Chinh Duc ) mais son fils (Vuong Chi Sinh ) s'alliera finalement avec Ho Chi Minh pour écarter les Français du nord-Vietnam.

 

Liens :

Palace Hmong à Bac Ha

Palace Hmong à Ha Giang

 

Ces corruptions du peuple H'mong, sont évidement à mettre en relation avec le rôle joué par les H'mongs dans l'armée Française pendant la guerre, présenté par Lucie dans l'article sur Dien Bien Phu ( Lien sur article ).

 

Toute ces histoires mériteraient d'être validées, mais ce n'est pas un travail d'historien que je fais ici.

Seulement un travail d'écoute de vietnamiens rencontrés au fil du voyage, et qui suggèrent tous la même idée : les français ont fait pas mal de bêtises dans cette première moitié du XXème siècle, bêtises qui ont contribué à déstructurer la société vietnamienne traditionnelle. Et bien sûr nos guides s'empressent de rajouter poliment que c'est du passé...

 

L'opium aujourd'hui.

 

Au Vietnam, la culture de l'opium est officiellement éradiquée. Mais je ne suis pas sûr de ce qui se passe dans les zones les plus septentrionales, où les touristes ne se déplacent encore pas complètement librement.

 

Au Laos, la culture continue. Officiellement, l'état Laotien autorise une production artisanale d'opium, par un nombre limité de producteurs, dans des zones bien définies, pour un marché local. Nous avons été témoin de cette culture "locale" pendant notre trek dans la montagne de Muong Kua. Nous n'avons pas vu les champs de pavots, car ce n'était pas la saison (dommage car c'est très beau paraît-il...!) mais nous avons passé la nuit dans un village reculé, perdu à 6 heures de marche de la route, où vivent des producteurs et consommateurs d'opium.  Nous avons trouvé aussi ça et là des capsules de pavot séchées avec leurs marques d'incision caractéristiques montant que la résine en a été extraite. Pendant la montée au village nous croisons un couple dans une hutte entrain de fumer del'opium. Le fumeur que nous rencontrons fume de façon très traditionnelle. Sa femme prépare la pipe pendant qu'il fume allongé. Puis ils intervertiront plus tard leur place. Ils ont produit eux même la résine de pavot qu'ils sont en train de fumer. Nous comprenons que même dans le petit village perché dans la montagne, où nous passons la nuit, les producteurs/consommateurs d'opium vivent à l'écart, dans les cases les plus simples.

 

Lien sur l'article : Trek de Moung Khua : Rencontres entre inconnus

 

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La hutte des fumeurs

 

Où est produit l'opium d'Asie qui continue d'alimenter l'Occident ? Je ne sais pas répondre à cette question. Peut-être, dans ces zones reculées, terres de frontières et de forêts, aux confins du Vietnam, du Laos et de la Chine, sûrement beaucoup aussi au nord de la Thaïlande et de la Birmanie. Je serai tenté de dire partout où l'argent de l'opium continue d'alimenter les pouvoirs parallèles de la corruption, et où le commerce de l'opium permet aux états de contrôler les ethnies en rébellion.

 

L'éradication de la culture de l'opium pose un vrai problème de réintégration du peuple H'mong qui en avait fait une de leurs activités principales. Diversification de production agricole et implication dans le tourisme font partie des politiques affichées, mais les résultats semblent encore très timides :

Lien : Etude universitaire sur l'évolution de la culture de l'opium au Laos

 

 

Thaïlande et Laos se battent pour la deuxième place des producteurs mondiaux. C'est sans doute négligeable par rapport aux 87% de la production mondiale produite en Afghanistan... !

 

En parlant des fumeurs que nous rencontrons, notre guide nous confirme : « Ils sont très dépendants ; ils fument tous les jours ». Il ajoute : «  mais cet homme est libre, il vit dans un autre monde, il survit avec sa famille avec les ressources de la forêt ». Le mot « libre »  m'a étonné. Je ne sais pas si c'est celui que j'aurais utilisé pour cet homme. Personnellement, j'ai essayé de ne pas juger, juste d'être témoin d'une vie à des années-lumière de la mienne. Mais c'est vrai que je l'ai senti « en harmonie avec son environnement ».

 

En sortant de cette hutte, un esprit m'a interpellé : « Salut étranger, et toi, quelle est ton addiction ? »  

Ben, je vais y réfléchir...

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18 mai 2012 5 18 /05 /mai /2012 16:26

Un long texte et peu de photos...j'avais décidé de ne pas mettre l'appareil entre nous.


Le trek de 2 jours que nous avons fait à Muong khua, à notre arrivée au Laos a été l'occasion d'un bel effort dans un paysage magnifique dans les rivières et la forêt, mais surtout de rencontres exceptionnelles avec les  montagnards des ethnies laos. Ce sont ces rencontres humaines que je veux décrire ici. 

Le tuk-uk nous laisse au bord de la route à 5 km de Muong Khua, en face d'un petit village que nous apercevons au soleil de l'autre coté de la rivière. Des habitants attendent au bord de la route pour vendre ou échanger leurs marchandises : pousses de bambou, légumes, riz. Ils sont surpris de nous voir, et plus encore d'apprendre par notre guide Bounma que nous avons l'intention de marcher tout là-haut dans l'autre village au sommet de la montagne. Ils rient, tâtent les mollets des enfants sans moquerie, mais avec sympathie. Nous prenons le temps d'échanger. Ils sont friands de comprendre qui nous sommes et ce que nous faisons là. Où est le reste de notre famille ? C'est un rituel auquel nous devrons nous plier à chaque rencontre.


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Traversée de la rivière pour rejoindre le premier village

 

Nous les laissons pour traverser la rivière sur un ponton flottant en bambou et rejoindre leur village proche. Ici encore, nous nous arrêtons pour la rencontre. Des hommes sont occupés à régler leur harpon-arbalète, qui leur sert à pêcher et à chasser le petit gibier : écureuil, fouines, rats... La pointe du lanceur est coloré du sang du premier animal tué avec l'arme, pour honorer le dieu de la chasse. Très vite, un groupe d'une vingtaine de personnes se forme. Quelques vieilles femmes mâchent leur chique de bétel. Les bébés sont portés dans des écharpes colorées. Ici encore : sourires, regards étonnés et questions posées à notre guide-traducteur. Les maisons sur pilotis en bambou sont simples et rustiques, mais le village est relativement propre et bien agencé et il y règne une atmosphère de sérénité. On nous offre des bananes succulentes, pour lesquelles le guide laissera sans doute discrètement un billet, mais ici pas de vente forcée d'artisanat, pas d'aumône. Nous reprenons la route.

Sur le chemin, nous croisons trois femmes qui descendent du village où nous passerons la nuit à plus de 4 heures de marche. Elles sont parties avant le jour. Elles portent des besaces faites en sac d'engrais qu'elles portent en bandoulière ou sur le font, remplies de leurs marchandises. L'une d'elle a deux fouines qu'elle espère vendre sur la route. Elles sont étonnées de voir que Lise est une fille et porte un pantalon. Elles rient. Nous aussi.

Durant notre montée nous croiserons à de multiples reprises des paysans-cueilleurs-chasseurs. Ils portent dans leur sac une petite machette, un harpon à flèche et certains un fusil artisanal au long canon et au percuteur insolite, qui leur sert à chasser les gros gibiers : chats sauvages (lynx?), cerfs et plus rarement ours dans les coins reculés de la forêt. Souvent le rituel de questions et réponses à notre propos se répète, bien qu'ils ne connaissent pas notre guide Bounma,.

Nous suivons une rivière, puis nous élevons dans la forêt, nous arrivons lors sur une zone de culture sur brûlis, où le riz sera planté en juin. Paysage un peu lunaire. De petites huttes ont été construites dans l'attente d'accueillir les familles pendant cette estive dédiée à la culture du riz. Nous arrivons à une source captée. Une femme s'y lave les cheveux. Elle ne nous adressera ni la parole, ni un regard.
Bounma cherche une hutte pour préparer le repas. Un homme le renseigne qu'il y en a une plus haut sur le chemin. Il commence à faire très chaud...

 

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Petites huttes sur zones de brulis


Toujours sur la zone de brûlis qui s'étend sur 300 à 400 de dénivelé, nous arrivons vers 2 petites huttes de bambou ; nous nous mettons à l'ombre dans la première hutte, mais il n'y a pas le matériel de cuisine attendu. Bounma part voir la seconde hutte. Il en revient en me disant : « Il y a deux personnes là-bas, je vais pouvoir faire à manger, mais nous ne pouvons pas nous installer car ils sont en train de fumer de l'opium... Vous pouvez venir leur dire bonjour si vous voulez ! »  Cela semble si naturel que nous acceptons. Deux personnes assises sur une natte. La femme prépare la pipe d'opium pour l'homme. Nous échangeons un bonjour en lao. Je ne dirai pas plus de cette rencontre. Je parlerai plus tard de tout ce que nous avons appris sur la culture et la consommation de l'opium dans cette région. Rideau. De fait cette rencontre nous a tous profondément marqués et a été le point de départ de grandes discussions avec les enfants sur la drogue.

 

Après le repas pris à l'ombre des palmes, nous repartons dans la chaleur. Il fait entre 35 et 40°C. On dirait que toute la terre brûle encore. Nous retrouvons pour 30 minutes la fraîcheur (relative) de la forêt. Nous parvenons sur la crête de cette haute montagne, où est installé un petit village rustique.

 

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Arrivée au village où nous passerons la nuit


La majorité des maisons sont sur pilotis en bambou et en palme. Quelques unes plus « cossues » sont en bois bien travaillé. Nous cherchons la maison du chef où nous devons passer la nuit. Étonnamment, Bounma ne sait pas vraiment où elle se trouve. Il n'est pas venu ici depuis plusieurs années. Personne au village n'est prévenu de notre arrivée puisqu'il n'y a ni téléphone, ni électricité. Seule certitude pour Bounma : nous serons accueillis avec un grand sens de l’hospitalité et un grand plaisir de nous rencontrer. Le village est relativement désert. Les hommes sont aux champs ou à la chasse, plusieurs femmes sont parties vendre sur la route ou dans les villages voisins. Nous sommes reçus par le fils du chef, beau jeune homme pourtant son bébé sur son torse dans une écharpe de couleur, qui nous accueille avec un grand sourire. Il nous fait entrer dans la hutte centrale qui sert de cuisine et de salle à manger (environ 10 m2), pour nous permettre de nous reposer et de nous mettre à l'ombre. Comprenant que nous voulons passer la nuit ici, il nous indique le dortoir familial, où nous dormirons tous ensemble. Matelas, couettes et oreillers seront installés le soir pour nous par la femme du chef. Pour l'instant nous apprécions les nattes pour pouvoir nous y reposer, jouer aux cartes, nous assoupir... Sur les murs, les affiches de propagande sanitaire, les portraits d'hommes d'états, et plusieurs diplômes épinglés montrent qu'il s'agit d'un lieu public, en plus d'être la chambre familiale.

 

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Maison "en dur"                                             Pilon pour battre le riz

 

En fin d'après-midi, le chef du village vient nous saluer dans sa langue (différente du lao), nous lui répondons en français. Il s'affaire à son rôle de chef, remplit le registre officiel des visiteurs. Il sort un gros cahier flanqué de la faucille et du marteau gouvernemental, un carnet à souche. Il écrit, découpe, agrafe avec soin et ostentation : il est la seule personne sachant écrire dans le village et nous le montre avec simplicité.


Bounma nous indique que nous pourrons nous laver. La « salle de bain » du village est une source captée à 20 mn du village. Un cube-réservoir en béton de 2m de côté, un robinet. Quatre femmes s'y lavent déjà, en sarong. Pas d'homme. Pensant qu'il s'agit de l'heure des femmes, je m'éloigne. Les rires qui montent de la source me laisse penser que Lucie et les enfants ont commencé leur douche. Un homme arrive du village, en short, serviette sur l'épaule, savon et brosse à la main. Nous échangeons le 'sabaï dee' souriant habituel (bonjour). Je me lève et le suis. Lucie et les enfants ont fini leur toilette, qui me paraît un peu approximative. Ils se sont visiblement lavés tout habillés !  Décidé de suivre l'homme dans sa technique de lavage je me savonne torse nu. J'aurai droit à la douche donnée par l'une des femmes à grand seau d'eau sur la tête. Elle en rajoute un peu. Tout le monde rit de bon cœur. Un vrai moment de bonheur... et de nettoyage.

 

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Lise et une petite fille qui ne se quittaient plus..

 


 

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Le repas du soir est préparé par le guide et le fils du chef (photo prise au flash, en réalité il fait noir ! seul le feu de bois et les frontales éclairent la hutte)


Nous aidons en tenant les lampes torches qui constituent le seul éclairage dans la hutte sombre. Un poulet pris dans la basse-cour est égorgé (avec soin et délicatesse...), plumé, lavé, raclé, et coupé en morceaux en 15 minutes. Rien est perdu, l'intestin est vidé, lavé et sert de lien pour empaqueter tous les abats. Tout va dans la casserole. Le reste du repas est constitué de légumes pris dans la forêt, de pousses de bambou, et bien sûr de riz.

 

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Le dîner est pris en commun.

 

Presque, car nous sommes installés sur une petite table basse circulaire, alors que nos hôtes se contentent d'un grand plateau émaillé. Et les meilleurs morceaux du poulet semblent nous avoir été réservés ... L'alcool de riz est partagé puis chacun mange à son rythme. Les anecdotes circulent en dialecte, parfois traduites par notre guide : aventure de la journée, chat sauvage manqué à la chasse... Les enfants sont morts de fatigue. Nous allons vite nous coucher. Nos hôtes non plus ne traînent  pas. La cuisine et la vaisselle sont vite rangées. La nourriture non terminée est stockée dans le garde-manger en bois, rien n'est jeté...

 

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Nous nous endormons vite même si les matelas sont un peu durs.

 

Le lendemain, les habitants du village se lèvent très tôt, avant le lever du soleil. Nous paressons un peu. Petit déjeuner d’œufs et de riz. Nous reprenons la route pour redescendre par une autre vallée. La descente est belle, sauf pour Bastien qui vomit tout ce qu'il mange et boit depuis ce matin...

 

Nous rejoignons un autre village pour y prendre le repas de midi. Le village est plus grand que celui de la nuit. On l'aborde par le haut. Avant même d'entrer entre les maisons, nous entendons les cris des enfants qui sortent de l'école. Mêmes maisons de bambou, de bois et de palme. Ici, ni béton ni tôles. On aperçoit quelques fils électriques et mêmes quelques paraboles...Nous nous mêlons aux enfants qui nous accompagnent le long du chemin. Beaucoup nous abordent d'un grand « hello » souriant. Nous sommes conduits à une maison un peu grande où l'on nous invite à nous asseoir. Une jeune fille nous apporte des verres et de l'eau. Bastien, toujours malade, peut s'allonger sur une natte et s'assoupir. Très vite la seule pièce de la maison se remplit de villageois de tous âges, femmes et enfants, assis à même le sol, sur le seuil en bois de la porte ou accoudés sur le rebord de la fenêtre. Un seul homme parmi nous dans la maison. Il aide Bounma à allumer le feu pour la préparation du repas. On nous apporte des bananes. Bounma prépare le repas, aidé par une fille de la maison (10-12 ans ?). Il ne peut pas faire son travail de traducteur.. Donc nous nous débrouillons par gestes pour échanger les questions habituelles : Combien d'enfants ? Quel âge ? Une question étonnante que Bounma nous a traduite « Où sont les grands-parents ? Ils ne voyagent pas avec vous ? Ils habitent où ? » Que la famille enfants-parents-grands-parents ne soit pas réunie leur semble impensable. Que nous n'ayons que 2 enfants aussi. Bastien ne mange pas les noodles préparées par Bounma. Nous les offrons aux deux enfants de la maison qui les avalent avec délice. Une jeune fille rentre avec un enfant dans les bras et s'enquière de la santé de Bastien qui dort sur la natte. Il s'agit de l'institutrice du village. En mission, elle vient de la vallée où elle ne retourne que tous les 3 mois (le village est à 3 heures de marche de la route). Elle est installée au village dans une hutte construite pour elle et son fils par les villageois. Elle revient plus tard avec un sachet de pilules vertes « pour le ventre ». Est-ce à cause de notre métier commun, je lui fait confiance et accepte ses cachets sans trop savoir ce que c'est (pas de boite, pas de notice). On ne saura pas si ils étaient efficaces car Bastien les vomira avec son verre d'eau une demi-heure plus tard...Mais je la remercie, et lui dit que je suis aussi instit en France. Elle s'étonne que je sois en vacance au mois de mai et encore plus que je puisse m'absenter 6 mois consécutifs ! Nous prenons congé de nos hôtes, les enfants du village sont déjà partis à la pêche dans la rivière.

 

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Dans le dernier village croisé, plus en contrebas, les terrasses pour le riz sont en préparation.

 

Mais les hommes rentrent des champs, car c'est l'heure du repas. Je ne sais pas si le travail agricole est collectif, le repas en tout cas l'est. Bounma est invité à manger et se sent obligé (ou a très envie) de se joindre à eux. Nous expliquons que nous avons déjà mangé, mais je me dévoue pour représenter la famille et je monte dans la hutte commune sombre où une grosse dizaine de personnes, hommes et femmes, on déjà commencé à manger, assis par terre en rond autour d'une vielle toile cirée carrée. Il y a peu de place, déchaussé, je m'installe à genoux (position 'en seisa' qui m'est familière) entre deux personnes qui s'écartent et m'offrent de partager leurs plats. Il rient. Je comprendrai plus tard, grâce à Bounma, que ma position à genoux les amusait, car c'est la façon de s'asseoir des femmes... Je suis bien décidé à goûter, tout en expliquant que je n'ai pas faim puisque je viens de manger. Le repas se compose de riz collant et de tout un tas de petit plats de sauce avec des légumes et des poissons en bouillie, et d'autres choses indéterminées... que l'on prend avec une feuille pliée en deux. C'est infiniment amer, pimenté, mais riche en goût. Je préfère ne pas savoir ce que ça contient... Au delà des plats, j'ingurgite cette atmosphère tellement particulière du groupe en train de célébrer un rituel inchangé depuis des décennies, avec plaisir, gaieté et routine. Avant de sortir, Bounema me montre une boîte faite d'un gros bambou, dans laquelle sont stockés de gros vers blancs utiles pour les pièges à oiseaux... mais qui servent également d'apéritif lorsqu'ils sont bien grillés. Nous retrouvons Lucie et les enfants assis à l'ombre à l'extérieur avec le reste du village, réuni au grand complet. Pour la plupart d'entre eux, c'était la première fois qu'ils voyaient des occidentaux. Nous les quittons pour rejoindre la route qui est encore à plus d'une heure de marche.

Ce que je retiens de ces rencontres avec tous ces villages et tous leurs habitants, au-delà de leur gentillesse, de leur hospitalité et de leur curiosité, c'est la complexité de leur organisation sociale, l'importance du fleuve ou de la route qui leur sert de point d'échange avec le monde « civilisé ». Ils est étonnant de voir combien les villages diffèrent, non pas en fonction de l'ethnie qui les habite (puisque dans ce trek tous les habitants étaient de la même ethnie), mais plutôt de la distance qui les sépare de la route et qui détermine leur façon de vivre, leur façon de cultiver le riz, d'utiliser les ressources de la forêt, de commercer, de communiquer avec l'extérieur, d'envoyer ou non leurs enfants à l'école, d'apprendre ou non la langue lao, etc...
D'ailleurs, le gouvernent communiste du Laos, qui se refuse à classer les villages sur des critères raciaux, ethniques ou culturels, a construit une classification basée sur des zonages spatiaux et sur des critères éducatifs. Si j'ai bien compris ce que nous a dit notre guide, les villages sont classés en fonction du pourcentage  d'habitants qui parlent le lao, qui savent l'écrire. Cette classification leur donne des droits et des prérogatives différentes, qui leur permet de vivre leur différences... ou d'y rester enfermés, de cultiver des terres sans en être propriétaire... on d'en être expulsés (car les chinois y tracent la nouvelle route de l'axe Shangaï-Bankok), classification qui permet à certains de continuer à cultiver l'opium alors que c'est interdit pour tous les autres, etc...

Une situation infiniment complexe, à l'avenir incertain, compte tenu des bouleversements économiques en marche dans la vallée. L'avoir juste approchée, à défaut de l'avoir comprise, reste une expérience bouleversante et unique.

 

Il y a, pour envelopper tout cela, l'extrême gentillesse et le professionnalisme de notre guide, dont nous avons senti le plaisir et la double fierté d'avoir montré son pays à des étrangers et d'avoir pu aussi montrer des étrangers aux gens de son pays.
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Plus : un bravo spécial à Bastien qui s'est descendu 1000m de dénivelé, par 35°c, sans rien dans le ventre et (presque) sans se plaindre. Il nous a bluffé par sa résistance et son courage.

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29 avril 2012 7 29 /04 /avril /2012 17:21

Avertissement :
Cet article est conçu pour êre lu par des élèves à parir du CE1, et en particulier, par mes élèves de CE1A  de l'école Jean Racine de Grenoble, et pour les élèves de CE1 de l'école des petites Maisons de St Martin d'uriage (école de Bastien).

Le riz est très important dans la cuisine des Vietnamiens. Ils en mangent à tous les repas. Dans tout le pays, il y a des rizières, même dans les montagnes très escarpées, où le riz est cultivé en terrasses.

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Belles rizières vers Long Son

Pour labourer, les paysans vienamiens utilisent une charrue de bois, tirée par un buffle. Les buffles sont de petites vaches très musclées, paisibles et qui marchent d'un pas lent et sûr. Les buffles semblent très bien dressés. Ils répondent aux ordres simples du laboureur et on l'air de savoir exactement ce qu'ils ont à faire.

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Une bufflonne et son petit, pas éffarouchés par Lise.    Préparation de la terre avant les semis.


Le laboureur n'a pas un gros effort physique à fournir pour que le buffle tire la charrue correctement. Il tient le long manche en bois d'une main et guide le buffle de l'autre.

Travail d'équipe et de précision.     Lavage du matériel ...et du buffle, après le travail

 

Les cultivateurs prennent grand soin de leur buffle et de leur matériel. Ils les achètent très chers au marché local.

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Marché de Bac Ha : Femmes Hmongs venant vendre leurs buffles. Obersation attentive avant l'achat.

Le buflfe est un animal un peu sacré. On ne mange pas habituellement sa viande. Seulement à l'occasion de la mort d'un parent. Le buffle de la famille est sacrifié et mangé au repas des funérailles.

La charrue est toute en bois avec un soc en fer. Les parties en bois sont construites à la main dans du bois massif très dur. Ici un grand-père taille les pièces d'une charrue l'une après l'autre avec pour seuls outils une scie et une petite hache très bien aiguisée.

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Fabrication d'une charrue à la main - petit de village de Ta Phin près de Sin Ho.


Les socs sont fabriqués dans des petites fonderies artisanales, à partir de fer de récupération. Le fer est fondu dans un four avec du charbon en 30 minutes.

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Le fer fondu, liquide, rouge et lumineux, est reccueilli dans un godet tenu avec un manche en bois. Le liquide brulant est versé dans le moule du soc.

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On laisse le fer refroidir environ 15 minutes. Puis on démoule le soc et on le sort avec de grandes pinces (il est encore très chaud !) et on le met dans les cendres pour qu'il ne refroidissent pas trop vite.

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Pendant que le fer de la prochaine fournée est en train de fondre, le fondeur prépare le moule. Le moule est fait en argile contenue dans en cadre de bois. La surface du moule doit être parfaitement lisse pour que le fer que l'on y coule n'ait pas de défaut qui risquerait de le faire se casser. Aussi le fondeur prend-il grand soin de racler la moindre aspérité et de boucher à la terre molle la moindre fissure. La finission de la  surface du moule est constituée d'un mélange de barbotine et de suie, pour empêcher le fer de coller au moule quand on le retire. Les deux parties du moule sont ensuite assemblées et serrées ensembles.

 

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Les deux pièces de bois et de fer sont vendues séparément au marché local.

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Marché de Bac Ha : vendeur de charrues et vendeur de socs.

Le fondeur que nous avons rencontré ici vend chaque soc au marché 150.000 Dongs. La matière première (le fer et le charbon) lui coûte 100.000 Dongs. Lorsqu'il vend un soc de charrue, il gagne donc ... 50.000 Dongs, soit environ 1,30 €. Il fabique entre 7 et 10 socs par jour. Sachant qu'il va au marché 2 fois par semaine, il peut espérer gagner environ entre 50 € et 70 € par semaine.

La charrue et le buffle sont utilisés pour labourer et préparer la terre avant de semer le riz mais la fabrication des murets, qui délimitent les terrasses et retiennent l'eau, sont fait à la pioche.

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Fabrication d'une nouvelle terrasse sur une pente.   Rehaussement du muret de bordure.

Ensuite chaque terrasse est remplie d'eau par un système de canaux et de déversoirs. Les murets sont juste assez larges pour pouvoir y passer à pied.

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Terrasses mises en eau                                Traversée glissante... sans trop de risque (10 cm d'eau) !

En montagne, il n'y a qu'une récolte par an. Au mois de mars, quelques terresses sont préparées, nettoyées, baricadées pour y semer les graines de riz. En juin-juillet les semis sont ramassés et repiqués à la main dans les autre terrasses. En septembre-octobre le riz arrive à maturité. Il est moissoné et ramassé, toujours à la main, avec de grandes serpes, en novembre décembre.
Dans les régions de plaine, grâce à des températures plus élevées, l'utilisation de fertilisants, et quelques machines agricoles, on arrive à faire 2 ou 3 récoltes par ans. 

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Semis de riz qui sera replanté en juin              Rizières en terrases dans la valée de Sapa

 

*** FIN ***

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19 mars 2012 1 19 /03 /mars /2012 01:18

Article écrit avec un peu de recul sur notre séjour à Kon Tum sur les hauts plateaux du centre.

Nous avons donné peu de nouvelles en direct, car nous n'avions pas d'internet dans notre petit village Bahnar de Kun Do Xing. Grâce à Olivier (jeune français de St Matin d'Uriage venu travailler ici dans une ONG pendant 6 mois), nous avons fait des contacts ici et nous avons eu la grande chance de pouvoir vivre dans une famille de ce tout petit village de "montagnards" bahnar (minorité ethnique des hauts plateaux du centre du Vietnam).

 

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La maison de Bok et Ya


L'amie bahnar qui nous accueille et nous a proposé cette maison parle bien anglais. Le grand-père (Bok) de la maison parle un peu français, souvenir de l'enseignement des missionnaires catholiques français dans les années 40-50. Nous partageons les repas de la famille, allons faire les courses ensemble le matin au bord de la route, aux vietnamiens qui viennent sur leur mobylettes chargées de victuailles fraîches. Lise et Bastien jouent avec les enfants  de la maison, et rencontrent aussi les enfants des orphelinats voisins que nous avons visités. Ici aussi l'adaptation a été nécessaire pour apprendre à communiquer, pour tenter d'expliquer ce que nous faisions ici avec nos enfants. Il y a ici beaucoup de volontaires d'ONG, qui viennent faire des missions plus ou moins longues pour aider les villageois et les enfants dans les orphelinats. Il n'est pas facile d'expliquer que nous ne sommes que des touristes à la recherche de rencontres et d'échanges sincères. Enfants ou adultes sont avides de contacts et avides d'apprendre. On nous improvise profs d'anglais à toute allure. Lise et moi nous sommes prêtés au jeu de bonne grâce : cours d'anglais pour moi, cours de français pour Lise. Ce qui est touchant pour moi dans ces rencontres est l'absolue gentillesse des habitants, leur sourire, l'absence totale d'agressivité envers nous comme entre eux. Nous n'avons encore pas vu un seul adulte crier sur un enfant. Tous les échanges se font dans le calme et le sourire.

Ceci ne doit pas occulter les difficultés véritables de leur vie : difficultés économiques d'abord, sociales ensuite et difficultés administratives qu'ils ont à subir en tant que minorité ethnique et religieuse. Les Bahnas sont différents des « Vietnamiens » à tout point de vue. Pour « Vietnamiens »  je devrais dire   « Kinhs », nom de la majorité ethnique vietnamienne, mais  « Vietnamiens » est le nom qu'utilisent les Bahnars pour parler des gens de la ville et de la plaine, pour bien marquer que eux ne sont pas vietnamiens. Ils sont plutôt noirs avec de grands yeux (d'une hérédité venue d'Inde ou de Malaisie ?), ce qui leur donne un petit air indien péruvien. Ils sont fervents catholiques depuis un siècle et demi. Ceci a été aussi une découverte inattendue : être réveillés à 4 heures du matin par les chants des villageois dans la chapelle côtoyant la maison, cantiques catholiques en langue bahnar, voix magnifiques et lancinantes dans le jour qui se lève ; attendre la prière dite par le grand-père au début du repas, constater que tous les orphelinats sont dirigés par des sœurs catholiques. Mais là encore, on apprend que comme pour le reste, le pouvoir religieux est au pouvoir des vietnamiens. 

Et donc la question ressurgit. Vous savez laquelle ? Que suis-je venu faire ici, moi qui n'ai que peu de culture chrétienne. Juste écouter et voir, défaire mes jugements, partager plutôt que de prétendre comprendre...

Tenter de comprendre quand même leur situation sociale et économique catastrophique. Ils ont à l'origine une organisation paysanne autarcique, exploitant uniquement les ressources de leur forêt, et une agriculture peu productive (manioc, un peu de riz et de maïs). Ayant peu l'esprit du commerce, ils se font peu a peu déposséder de leurs terres qu'ils vendent pour pouvoir acheter les produits que vendent les vietnamiens. 

Ils se heurtent de plus à un problème écologique majeur : leur forêt disparaît ; certainement comme résultat de plusieurs facteurs : utilisation du bois pour la construction, cultures sur brûlis, héritage dramatique de la guerre (agent Orange = défoliant américain, beaucoup utilisé ici), absence de gestion des terres, absence d'acte de propriété, etc... mais aussi les effets visibles du changement climatique mondial (?) : climat plus sec, assèchement des nappes phréatiques et des rivières.

Bok, le grand-père, m'explique comment à la fin de la guerre on chassait à l'arme de guerre et on pêchait le poisson à la grenade : les cerfs ont disparu et les rivières se sont vidées.

Je ne suis pas sûr de tout saisir ni de leurs problèmes, ni de ce qui a conduit à cette situation. Aujourd'hui la question est : réussiront-ils le virage de l'intégration dans la société vietnamienne ou bien sont-ils un peuple en voie d'extinction ou de  « zoo-ification » comme les peuples d'indiens d'Amérique, les Inuits, ou des Aborigènes d'Australie. 

Leur soif d'apprendre l'anglais et leur ferveur religieuse laisse penser qu'ils sont encore dans le mythe du sauveur venant de l'extérieur. De fait, la plupart des aides qu'ils reçoivent provient semble-t-il d'ONG caritatives d'obédience catholique.  L'ONG Poussière de Vie dans laquelle a travaillé Olivier semble vouloir se détacher de ce modèle en travaillant sur des actions de fond, avec pour objectif de former et de suivre les projets de développement  sur la durée, pour que les Bahnars retrouvent un peu d'autonomie sur leur vie. L'idée est intéressante. Encore faut-il que les Bahnars se l'approprient eux-mêmes. Le discours de grand-père Bok parle de nostalgie du temps des missionnaires français et de sentiment d'abandon par la France. Mais la jeunesse fait preuve d'une énergie tout à fait rafraichissante !

Une semaine passée ici est certainement très insuffisant pour avoir une idée de la réalité. Une volontaire de Poussière de Vie, m'explique qu'après trois trois séjours d'un mois, elle commence à comprendre un peu les rouages de cette société complexe, et notamment la difficulté qu'il y a à prétendre les aider. 

Il me restera le regard perçant et le rire de grand-père Bok, les sourires et l'envie d'apprendre des enfants. Leur avenir est définitivement dans leurs mains.

 

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À voir :

 

albums photos
- Visages d'enfants Bahnars 
- Dans la maison de Bok et Ya
- Classe à Vinh Son 6

 

Le site de l'ONG Poussière de Vie

http://www.poussieresdevie.org/fr/presentation.html


Le site de l'ONG Kon Tum (une présentation de la culture Bahnar)

http://www.kontum.org


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26 février 2012 7 26 /02 /février /2012 15:41

... ou une histoire cachée de france.

(Poulo-Condor : ancien nom malais de Con Dao utilisé par les français)

Avant d'être une destination touristique privilégiée du Vietnam, avec plages de sable et hôtels de luxe, l'île de Con Dao, où nous avons passé quelques jours, a servi de bagne et de centre de repression politique pour tous les pouvoirs qui se sont succédés ici depuis deux siècles, qu'ils soient  français, américains, sud-vientnamien ou viet-minh communiste. Cette fonction pénitentiaire n'a pris fin qu'en 1992, avec la glastost à la vietnamienne et l'ouverture sur l'occident.


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Un mirador du camp français

Visite d'un des bagnes de Poulo-Condor : the French Tiger Cages.

Je pensais trouver à Con Dao quelques vestiges de vieilles prisons du temps reculé des colonies. Nous avons vite réalisé que la logistique pénitentiaire était plus importante que ce que nous avions imaginé : plusieurs centres de détention en différents points de l'île, dont plusieurs transformés en musées du souvenir.
Nous avons choisi de visiter en premier celui apparaissant comme le centre construit par le pouvoir colonial fançais. Visite assez émouvante sur le moment, terrifiante avec le recul. Il y a dans cette prison tout le rationalisme appliqué à la répression. On sent que tout a été penser non seulement pour incarcérer, mais aussi pour déshumaniser. Je ne saurais dire où est la limite ave un camp de concentration ou... d'extermination. Car on comprend vite que la plupart des prisonniers passés à Con Dao y sont morts.

 

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Batiments des French Tiger Cages : les prisonniers sont surveillés et réprimés par en haut à travers les grilles !

 

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Plaque

 

 

Le cimetière des prisonniers

A quelques centaines de mètres le cimetière compte 20 000 tombes dont la moitié d'anonymes.
Contrairement au prisons, nous l'avons trouvé très appaisant...ombragé et aéré, propisce au recueillement et ... aux gouters de fin d'après-midi. 

 

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Tombes ... et goûters

 

Visite du musée historique de Con Dao


Seul Bastien a voulu m'accompagner dans ce musée qui reprend l'histoire de Con Dao depuis le XVième siècle. L'Histoire est simple : après les quelques batailles navales entre français, anglais et malais, l'essenciel concerne l'histoire du bagne. En résumé, une maquette de l'ile montre l'état des installations en 1975 après le départ des américains. Une vingtaine de centres de détentions, quelques maisons coloniales pour les personnels pénitentiaires et militaires, rien d'autre.

 

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Maquette de l'île en 1975

 

Discussion avec un vietnamien anglophone

Invités à diner par des vietnamiens nous avons pu discuter avec un jeune de Con Dao de son histoire et de ces vestiges. "Vous avez visité les Cages à Tigre Françaises ? Vous n'avez pas visités le camp américain ? C'est pire ! (it's even worse!)" et il nous a répété plusieurs fois que c'était important de bien connaitre le passé mais que c'était le passé et que maintenant tout le monde était bienvenu au vietnam, même les américains ! ('Now, we are one world !").
Bon, finalement nous ne sommes pas allés visiter le camp américain...rien que l'entrée etait sinistre !

Un peu d'histoire vietnamienne ou... française

Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que ce bagne n'a pas cesser de grossir et d'être "amélioré" par ses différents gestionnaires.
A la fin du XIX° l'état colonial français y envoie les nationalistes vietnamiens. En 1940, l'état de Vichy passe contrat avec le Japon pour partager le pouvoir : pouvoir militaire aux japonais (qui utilisent les places fortes françaises) et pouvoir administratif, politique et ... judiciaire aux français qui intensifient la chasse aux nationalistes qui se confond alors avec le viet-minh communiste. De 45 à 54 la lutte anti-communiste continue les cages à tigres tournent  pleins régime.... Entre le départ des français en 54 (Dien Bien Phu...) et la prise de de contrôle par les américains, les camps sont gérés par la république sud-vientnamienne de Diem , anti-communiste féroce. Les camps s'étendent et la répession s'intensifie. Les américains s'en servent comme centre de répréssion anti-rebelle viet-minh , jusqu'aux dénonciations de torture des instances internationales. Après la chutte des amériains, les camps sont en partie démantelés et en partie  remis à neufs pour y installer les camps de rééducations  des "traites sud-vienamiens'. Et ce jusqu'en 1992.

Un point important : quelques soit le régime tortionnaire en place, les prisonniers ont toujours été que vietnamiens.

Que sommes nous venus chercher ici ?

Si j'écris ce papier, c'est finament pour une réponse partielle à cette question lancinante. Bien loin de prétendre comprendre l'histoire du Vietnam, qui sans doute ne nous appartient pas, nous nous sommes cognés à un bout d'histoire de france oublié, pas franchement glorieux, pas vraiment développé dans nos livres d'histoire.

 

Et si l'histoire, au delà de tous les livres qui réécrivent l'histoire, des films qui s'amusent à rejouer l'histoire, des discours qui veulent donner à penser l'histoire, n'est, comme je le conçois plutôt, que la mise bout à bout de toutes les traces dans notre présent de ce qui s'est passé avant, alors ... il nous faut remercier les vietnamiens de maintenir debout et de pendre soins de tous ces vestiges, seuls antidotes contre l'oubli. Et si ils le font avec un peu de grandiloquence teintée de propagande, peu importe...

 

Liens web sur le bagne de Con Dao :

 

Wikipédia

 

 

Retour à Poulo Condore, l'île du bagne : Blog de voyageur

 

 

 

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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 15:40

Ces premiers jours à Con Dao sont une belle école d'adaptation.

 

C'est objectivement difficile pour tout le monde : gérer la chaleur, trouver ses repères dans cette petite ville, trouver à manger, tenter de communiquer.

 

Comprendre comment fonctionne cette gest-house un peu spéciale, où il n'y a pas vraiment d'hôte « guest » et qui tient plus de la colloc d'étudiants que du gîte à la française. La petite Mi Hang s'occupe de la maison au mieux, a réussit à nous trouver une clé pour une des deux chambres, mais ne comprend pas un mot d'anglais, encore moins de français. Une « colocataire » a réussi à m'expliquer comment marchait la rizeuse, du grand art !

 

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La Villa Du Lich

 

Le décalage horaire est assez dur dans ce sens, insomnie entre minuit et 3h du mat et envie de roupiller le matin; c'est tout à fait incompatible avec le rythme vietnamien où il est préférable de profiter de la fraîcheur entre 5h et 8h du matin. On va se recaler doucement, indispensable si l'on veux profiter des marchés flottants du Mékong à une heure décente la semaine prochaine (on a un tour organisé pour ça).

 

Mais l'adaptation est finalement assez rapide : on a trouvé une plage sympa, un mini restau où on s'est bien régalés pour 150 000 Dong (~ 5€) à 4. Et le marché devrait nous fournir de quoi faire les repas du soir et les petits déjeuners.

 

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Premier petit déjeuner un peu organisé : Pomelos, bananes et riz gluant sucré.

 

Le plus difficile reste finalement d'occuper les enfants pendant la longue période de sieste de 12h à 16h où il est vraiment difficile de sortir (~30-35°C). Pour l'instant, on s’occupe bien avec la mise en route du blog, les premiers e-mails à écrire, mais on sent bien qu'il va falloir passer à autre chose. Dès les vacances de février passées, ce temps de pause méridienne semble tout à fait indiqué pour notre « école du voyage », histoire de ne pas occulter la fraîche matinée. Bastien, qui hier s'ennuyait vers 15h, a même demandé à commencer tout de suite ! L'élève dépasse le maître...en motivation !

 

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Partie de cartes avant le coucher

 

Bon autant le dire clairement : Lise et Bastien ne réagisse pas de la même façon. Bastien râle, s'est fait un coup de chaud, a vomi son coca et se languit de ses copains. Lise est rayonnante de désir de découvertes, goûte à tout les plats mêmes ceux qui sont un « peu bizarres » et teste les sodas locaux fluorescents. Bons ce soir ils étaient tout de même contents d'avoir : Bastien, des nouvelles sandales (il n'y en avait plus à Décath... ! ) et Lise un nouveau chapeau (elle en rêve depuis 6 mois!) !

 

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Sandales et chapeau conique !

 

Voilà,

A plus tard !

 

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